
Pottier P 80
Pottier P 80
Après avoir donné naissance à une multitude d’appareils qui portent son nom, le constructeur aéronautique est désormais papa de deux beaux enfants. En effet, le 23 juillet 1976, Geneviève Pottier met au monde un fils Frédéric et le 17 mai 1978, une fille Anne-Claire.
Malheureusement pour notre « Géo Trouve Tout » de l’aviation légère, aucun de ses deux enfants ne sera attiré par l’aéronautique et par l’aviation légère en particulier. « Moi ce que je sais, c’est que les avions ont deux ailes et qu’ils avancent avec des élastiques. Mon père est ingénieur en petits avions » : voilà ce que disait Frédéric lorsqu’il était petit, nous dit Geneviève.
Ces paternités n’arrêtent pas Jean Pottier dans la création de nouveaux appareils.
C’est notamment le cas du nouveau P 80. « Le P 80 est né de l’initiative de Louis Cariou - alors président du RSA - qui souhaitait que je dessine un avion monoplace à aile basse afin que l’on puisse le construire durant le salon du Bourget. C’est ainsi que j’ai conçu le P 80, version aile basse du P 70 S avec un cockpit redessiné ».
Contrairement à son prédécesseur - qui était un avion à aile médiane cantilever (c’est-à-dire en porte-à-faux), le P 80 dispose d’une aile basse en deux parties, également en porte-à-faux, avec un dièdre de +2,5°. Tout comme son grand frère le P 70, cette nouvelle machine peut recevoir des moteurs avec des puissances allant de 40 à 80 ch. Afin de satisfaire un plus grand nombre de constructeurs-amateurs, Jean Pottier propose cet appareil en versions à train d’atterrissage classique ou tricycle. La version à train d’atterrissage classique a été développée par les constructeurs et en premier lieu par M. Dupland, semble-t-il.
Comme évoqué plus haut, et selon le souhait initial de Louis Carriou, le prototype du P 80S, immatriculé F-WYEB, est construit pendant le 32è Salon de l’Aéronautique du Bourget, en juin 1977. Son premier roulage[1] a d’ailleurs lieu depuis ce mythique aéroport parisien témoin de nombreux raids et records qui ont forgé notre histoire aéronautique. Cette opération est rendue possible grâce au travail de préparation en amont, réalisé par Jean Pottier et Alain Lornage. Effectivement, quatre mois avant ce salon, l’ensemble des pièces primaires est réalisé afin de pouvoir assurer le montage global de la machine en seulement 10 jours. L’opération est menée à bien, sous la direction de Jean Pottier, par quatre professeurs d’enseignement technique, constructeurs amateurs, détachés pour la circonstance par le ministère de l’Education Nationale. Il s’agit de MM. Lornage du CET des Mureaux, Chagnon de l’École nationale d’apprentissage, Chapron du CET de Noeux-les-Mines et Delabos du CET de Saint-Maximin, section « mécanicien cellule d’avion ». Le SFA participe également à l’opération, en fournissant le propulseur, un moteur Rectimo développé sur une base de bloc-moteur Volkswagen modifié de 1200 cc, qui développe 40 ch. La magnifique verrière provient d’un planeur JP-15/34. Jean Magne, qui expose son planeur JP-15/34, ne résiste pas à l’envie de donner un coup de main à notre équipe de choc, tout comme Daniel Poulet.
Et Christian Ravel de rajouter : « C’est d’ailleurs à cette occasion qu’une remarquable opportunité se manifeste : celle de construire un avion en dix jours. Ce n’est pas un exploit courant, mais c’est pourtant ce qui est réalisé au salon du Bourget 1977, dans le cadre de la participation des constructeurs amateurs du Réseau du Sport de l’Air. L’appareil choisi par le RSA et réalisé est le Pottier P 80, petit monoplace de sport, de construction métallique.
Le RSA supervise l’ensemble de cette opération originale et pédagogique. Cette réalisation s’est déroulée sous les yeux du public, visiblement très intéressé. Les élèves des différents CET sont venus apporter leur contribution. Réalisée dans les temps, cette machine apporte la preuve que la construction métallique est relativement facile pour l’amateur. S’il accepte des réalisations de forme simple, sans toutefois trop altérer les performances. »
Louis Cariou, Président du RSA à cette époque, écrit dans la presse : « L’avion part vers le taxiway, précédé de la 2 CV Citroën de piste dans laquelle les quatre constructeurs se sont engouffrés d’instinct, craignant que le moteur ne cale. Mais tout se passe bien. Les spectateurs acclament l’avion qui revient bientôt à plus de 60 km/h. On ramène le P 80 au parking, traversant une nouvelle fois la foule et l’on se retrouve dans le hangar qui a vu naître ce nouvel avion. Le pari est gagné, oui gagné ! Les constructeurs amateurs ont démontré leur savoir-faire, leur dynamisme et leur dévouement pour une noble cause. Merci messieurs et bravo pour l’exploit ! » Au hangar, le champagne est servi, l’avion baptisé et soudain après tant d’exaltation, la fatigue s’abat sur toute l’équipe qui reste autour de l’œuvre commune jusqu’au soir, puis peu à peu, se disperse à regret. C’était tout de même une belle aventure, n’est-ce pas ? » Cette nouvelle machine, devenue célèbre, sert à la définition de la liasse de plans.
Compte tenu du succès remporté par l’aéronautique légère lors de la Foire de Paris 1977, les organisateurs décident de renouveler l’opération l’année suivante. Louis Cariou est ravi par cette excellente initiative qui va, une nouvelle fois, mettre à l’honneur le RSA. Ainsi, le P 80 S construit au Bourget est à nouveau mis en vedette lors de l’édition 1978 de cette Foire de Paris.
Un autre P 80
Au cours du premier rassemblement européen des constructeurs amateurs, qui se tient à Brienne en 1979, le P 80 S d’Alain Lornage est exposé aux cotés d’une multitude d’appareils venus de tous horizons.
Aujourd’hui, cet avion est visible au Musée Régional de l’Air d’Angers-Marcé aux cotés d’une structure complète (avion en croix) d’un P 60 Minacro. Selon Christian Ravel, le P 80 devrait être classé au patrimoine de l’aéronautique.
Sa remise en état de vol a été effectuée par Thierry Léonil de l’ACAAM et le denier vol réalisé par Alain Rougetet, le 7 Décembre 2003 avec un vol d’une heure et vingt minutes entre l’aérodrome des Mureaux et celui d’Angers-Marcé ou il est désormais exposé.
Le P 80 est un bon résumé de la philosophie de Jean Pottier : la conception, le défi dans la réalisation, l’accessibilité économique, l’implication en milieu scolaire et son engagement avec le RSA.
Très rapidement et à la demande de nombreux constructeurs amateurs, Jean propose la liasse de plans permettant la réalisation d’un avion ainsi que le lot matière au prix de 12 000 frs - de l’époque - livrable sous 4 à 6 semaines. Les demandes affluent et les constructions débutent.
Dans la famille des P 80, il convient de noter la superbe réalisation de Jean-Pierre Lesieux. Attiré par la magnifique construction de Julien Radieux, Jean-Pierre se lance à son tour dans la construction d’un P 80 S. Il faut préciser que notre homme est chaudronnier professionnel et constructeur de plus d’une centaine de modèles réduits. Le chantier débute le 1er mai 1979 pour se terminer deux ans plus tard, après seulement 1 700 heures de travail. Immatriculé F-PYJU, cette machine rejoint la « bande Pottier » des Mureaux.
A noter également le superbe appareil de Georges Duc - immatriculé F-PZRN - peint en jaune et blanc qui a fait l’objet de nombreux articles dans la presse aéronautique.
Présenté aux rassemblements du RSA, le nouveau P 80, à l’instar des autres réalisations de Jean Pottier, remporte de nombreux prix et coupes parmi lesquels, le Prix Pottier au P 80 S immatriculé F-PZRN construit par Georges Duc pendant le rassemblement de Brienne en 1984 ; la Coupe du Garage Consigny au P 80 S du Belge M. Sommen, en 1986, à Brienne ; la Coupe RSA Adonis Moulène pour la meilleure réalisation d’un monoplace construit sur plan, attribué au P 80 S de M. Crépin ainsi que la coupe des serrures JPM au P 80 S de M. Dubois, pendant le rassemblement de Brienne en 1988 ; la Coupe du SFACT au Pottier P 80 S de Jean-Jacques Marvier, à Moulins en 1991.
A l’instar des premiers avions dessinés par Jean Pottier, le P 80 n’échappe pas à la règle qui veut que les aéromodélistes s’emparent de son plan trois vues pour en réaliser une maquette volante. La revue MRA (Le Modèle Réduit d’Avion) publie dans son numéro 584 du mois de juillet 1988 les plans du P 80 S puis, en septembre 2003, dans son n°765, un article sur une magnifique maquette de P 80 S réalisée en balsa et entoilage transparent.
L’avion de Jean Pottier fait également la Une d’Aviation Magazine n°736 du 15 août 1978, une revue spécialisée aujourd’hui disparue.
Jean Pottier aux commandes d'un P 180 biplace
Après avoir développé une version biplace du P 70 S, Jean Pottier s’installe à nouveau devant sa planche à dessin afin de décliner - tout naturellement - une version biplace du P 80 S. Pour cela, notre concepteur s’impose un cahier des charges draconien : construction simple sans outillage spécifique, pilotage facile et sain, surtout aux basses vitesses, et performances analogues à celles des appareils utilisés en aéro-clubs.
Et Jean de préciser : « J’ai pratiqué tous les types de construction, bois, métal et stratifié. Je sais pertinemment qu’à envergure égale, le métal est 20 % plus lourd que le bois et que les matériaux composites (avant la fibre de carbone : tissu de verre-résine) sont 30% plus lourds.
On me demande souvent pourquoi mes avions ont si peu d’envergure. Je réponds généralement que cela est dû à la taille des tôles disponibles sur le marché. Au-delà de 2,50 m, on ne trouve plus rien ! Plus sérieusement, l’envergure n’est pas le seul élément de performance d’un avion. En croisière, à coefficient de portance faible, le gain est négligeable. En montée la réduction de masse que permet une faible envergure peut compenser la perte due à la traînée induite plus importante. Pour finir c’est la garantie d’une bonne maniabilité sans recourir à de grands ailerons plus lourds à remuer. Pour le profil, j’ai adopté un NACA 4415. Son plus gros avantage est l’intrados plat.
Pour le constructeur, pas besoin d’un chantier complexe, le sol suffit. C’est le même qui sert pour toute la gamme. Ainsi les amateurs peuvent se repasser l’outillage qui permet de former les nervures. Cette aile « carrée », non vrillée, a un bon comportement à basse vitesse. Le décrochage a lieu d’abord dans la partie centrale. Les marginaux restent actifs et il est ainsi possible de bien contrôler l’appareil même aux ailerons. Un coefficient de sécurité de 1,5 « coefficient amateur » permet de tenir compte des coups de scie ou de lime malheureux. Toujours pour la simplicité, nous n’utilisons pour l’assemblage que des rivets dits « Pop » c’est-à-dire aveugles. Ils sont 50 % moins résistants que des rivets classiques mais lorsque leur queue casse on est certain du serrage ce qui n’est jamais le cas avec des rivets standards. Pour mieux résister aux vibrations, les tôles sont collées à l’adhésif époxy souple. » Comme sur l’ensemble des avions Pottier métalliques, la lame de train est en duralumin. Par rapport à la version monoplace, les biplaces P 170 et P 180 sont dotés d’une nervure supplémentaire dans la structure de la gouverne de direction.
Si, auparavant, Jean Pottier avait choisi de décliner son P 70 en biplace en tandem, pour la version biplace du P 80 il choisi, cette fois, la configuration côte à côte.
La cabine offre une largeur de 1,05 m. Si la structure de l’aile est identique au P 70 S, elle est cette fois réalisée en deux parties avec un longeron en I qui vient se loger dans un tunnel de fuselage pour y être boulonné. Les volets de courbures, à commande manuelle, offrent trois positions (0°, 15° et 30°). La configuration biplace côte à côte permet de conserver la longueur de fuselage du P 80 S, soit 5 mètres. L’envergure passe à 6,55 m afin de permettre de conserver une surface alaire de 6,60 m². Les commandes de vol sont celles du P. 70 S c’est-à-dire rigides pour les ailerons et la profondeur et souples c’est-à-dire par câbles pour la direction.
Toujours métallique, le nouveau venu dispose d’un « look » très sympathique en parfait accord avec son temps. La magnifique verrière provient d’un planeur M.200. Les moteurs disponibles et susceptibles d’être installés sont relativement variés puisque cela va du Volkswagen 1 835 cc de 65 ch au 2 100 cc de 80 ch et du Continental 65 ch au 100 ch. Comme sur le 80, le P 180, désormais baptisé Fennec, dispose d’une aile basse en deux parties qui présente un dièdre de 3°.
Au mois d’août 1981, Gérard Beauchet est le premier à faire voler un P 180 S. Il s’agit de l’avion n°12, immatriculé F-WYKT. Précisons que le premier exemplaire construit et terminé est celui de Michel Miard avec son appareil immatriculé F-PYPC.
Selon Jean Pottier, le P 180 S est accessible à tout pilote et c’est un avion très simple à piloter et à construire. C’est-à-dire conforme au cahier des charges défini au départ. Et Jean de souligner : « Au delà de 1 000 heures de travail, si l’avion est presque fini, on s’accroche. Mais si à 1 000 heures la construction n’en est qu’à 50 % de sa réalisation, un constructeur sur deux met fin à cette aventure. »
P 180 lors d'un meeting
Cela devient presque une habitude pour les constructeurs d’avions Pottier de remporter une coupe à l’occasion d’un rassemblement. Parmi celles-ci, notons :
- La Coupe ville de Brienne, en 1984, au P 180 S F-PYPI de M. Cécile dont l’envergure est rallongée.
- En 1986 à Brienne, la Coupe RSA Sylvain Badez attribuée à la meilleure réalisation d’un multiplace construit sur plans et attribuée au P 180 S de M. Coulon.
- En 1987, toujours à Brienne, le Prix Pottier pour le P 180 S de M. Papin.
- En 1988, à Brienne, le Prix Pottier pour le P 180 S du Lycée Réaumur ainsi que la coupe de la ville d’Yzeure pour le P 180 S de Pottier.
- En 1990, à Moulins, la Coupe Jean Pottier au P 180 S de Michel Gruson, la Prime Jean Pottier au P 180 S d’Albert Abel et la Coupe de la ville de Toulon sur Allier au P 180 S de M. Coulombel.
- En 1991, à Brienne, la Coupe de la ville d’Yzeure pour le P 180 S de M. Renaudin, la Coupe REMF pour le P 180 S de M. Petit, la Coupe Toulon sur Allier pour le P 180 S de M. Fermaut, le Prix Pottier et le Prix Limbach pour le P 180 S de M. Renaudin.
- En 1993, à Moulins, la Coupe de la ville d’Yzeure au P 180 S de Jean Fauchet, le Prix Limbach au P 180 S de M. Jallob et le Prix Jean Pottier pour le P 180 S de l’Aéro-club Renault V.I.
A noter, parmi les appareils se distinguant par un équipement ou une motorisation particulière, le P 180 RM construit par l’aéro-club de Rorthais-Mauléon et équipé d’un moteur Rolls-Royce O-200-A de 100 ch. De ce fait, sa désignation est suivie du sigle RM pour « Rolls-Royce Moteur »… Pourquoi pas !